Ghosn...suite!
On n’en finit pas de découvrir les « indélicatesses » de M. Ghosn révélant jour après jour ce qui serait la malhonnêteté du personnage… Pour autant il n’est pas exclu que cette monstrueuse mise en scène judiciaire japonaise ne débouche sur un fiasco ; l’homme est assez intelligent et habile pour s’être assuré que ces actions contestables qu’on lui reproche ne sont pas réellement illégales, ou qu’elles ont été approuvées par le board de Nissan ou de Renault… « Qui ne dit mot consent » !
Il faut en effet être courageux pour affronter M. Ghosn et le courage ne s’enseigne pas dans les grandes écoles, fussent-elles japonaises.
Mais tout ce qu’on lui reproche et dont on fait grand tapage est assez peu de choses par rapport au gâchis qu’il a fait de Renault au profit de Nissan !
En 1999 quand elle a « pris le contrôle » de Nissan Renault était une entreprise saine, dynamique, innovante, avec un taux de marge opérationnelle de 5,8%, un CA de 38 milliards d’euros pour un volume de ventes de 2 400 000 véhicules.
Nissan avait alors une taille comparable avec un volume de ventes de 2 700 000 véhicules mais une situation financière négative depuis plusieurs années et des dettes importantes qui la conduisaient au bord de la faillite.
20 ans après et grâce aux soins énergiques des « gaijin » de Renault, Nissan a plus que doublé son activité avec 5 700 000 véhicules vendus en 2018 alors que l’entité Renault, « maison mère », a péniblement progressé de 6% à 2 500 000 ventes. Cette croissance peu glorieuse est masquée par les chiffres du groupe Renault ; il faut en effet y ajouter le volume des pièces rapportées : les 700 000 ventes de Dacia, les 400 000 d’Avtovaz, les 165 000 de Jinbei-Huasong et les 85 000 de Samsung Motors pour arriver à environ 3 900 000 ventes, encore très loin des chiffres de Nissan ce qui explique son « Coup d’Etat » car il s’agit bien de cela !
Cet avantage de volume s’explique en grande majorité par l’activité de Nissan en Chine soit 1 560 000 ventes. Or, pourquoi avoir privilégié un Nissan convalescent plutôt qu’un Renault en bonne santé pour investir l’Eldorado chinois au début des années 2000. Ce serait une erreur d’argumenter que c’était une affaire d’asiatiques ; depuis 25 ans les groupes automobiles qui réussissent en Chine sont Volkswagen et General Motors, loin devant les japonais. Chine et Japon sont aussi proches géographiquement qu’opposés par leur Histoire ! Renault avait largement ses chances en Chine mais M. Ghosn en a décidé autrement après accord de la Direction générale de Renault qui a baissé pavillon. Peut-être peut-on lui accorder une circonstance atténuante : Nissan s’est développé solidement par croissance interne alors que Renault a choisi la stratégie de croissance externe ; or si elle avait bien les moyens financiers de faire son marché chez les constructeurs en difficulté, quid des moyens humains ? Elle a envoyé la « crème » de ses cadres dirigeants pour sauver Nissan puis Dacia puis Samsung Motors… soit une belle hémorragie de talents ; en restait-il suffisamment pour affronter la Chine ???
Donc Renault, après avoir renfloué Nissan, est passé à côté d’une importante source de revenus au profit du même protégé. Renonçant au marché chinois, Renault limitait fortement ses prétentions internationales, étant absent des trois plus importants et bénéfiques marchés mondiaux que sont la Chine, les USA et … le Japon, chasses gardées de Nissan ! Plus grave, Billancourt a continué à ramasser les miettes à fort risque avec Avtovaz puis Jinbei-Huasong, intérêt stratégique très discutable sinon la gloriole de revendiquer être le premier constructeur mondial par addition de volumes douteux!
En outre, la somme de marques à image pauvre tire irrésistiblement l’ensemble du Groupe Renault vers le « low cost » d’autant plus que, résultat d’une mauvaise stratégie produit, les vraies seules Renault qui se vendent se limitent à Clio et son dérivé cross-over Captur ; la déroute du haut de gamme étant actée pour Espace, Talisman et Koleos. Tout cela expose gravement le groupe Renault à la future offensive des constructeurs chinois sur l’Europe qui se rapproche à court terme, vu le retournement de leur marché.
Donc Renault a plus que jamais besoin de l’Alliance et son partenaire japonais le sait… Il faudra bien retenir les bons résultats financiers de 2018 parce que ça risque fort d’être les derniers, ce ne sera pas à cause du départ de Ghosn mais bien à cause de sa gestion de Renault entre 2005 et 2018.
La « Une » de l’Express de cette semaine « Renault, Monument en Péril » reflète bien la situation et l’empressement de l’Etat auprès du malade n’augure rien de bon !
Jacques CHEINISSE le 9 février 2019