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  • Peugeot-Sport sacrifiée!

     

    Peugeot-Sport sacrifiée !

     

     

     

     La nouvelle est tombée ce 18 janvier : « Peugeot a décidé d’arrêter son programme d’endurance et ne participera pas aux prochaines 24 H. du Mans ». C’est très surprenant car la saison est lancée depuis plusieurs mois avec tout ce que ça représente d’engagements de dépenses en études, recherches, essais, contrats pilotes, fournisseurs etc…etc…

     

    Les raisons qui sont invoquées par la marque sont loin d’être convaincantes :

     

    « Un environnement économique tendu en Europe » ; or, PSA ne manque pas d’économistes et prévisionnistes « pointus » qui ont dû faire le constat de l'accélération de la baisse du marché de l'automobile depuis la rentrée de septembre 2011.

     

    « Une année particulièrement dense en lancements de nouveaux véhicules pour la marque », argument ridicule : le plan-produit chez Peugeot comme chez tous les constructeurs automobiles est établi sur 6 ans glissants et ces lancements sont planifiés depuis longtemps et les dépenses afférentes engagées à 90%, si ce n’est plus…

     

    Si cette activité sportive devait être arrêtée pour des raisons économiques, on aurait compris qu’elle le fût en octobre 2011, dès que le titre ILMC (pour Intercontinental Le Mans Cup) fût acquis à Peugeot, pour la deuxième fois consécutive et AVANT que les dépenses pour la saison 2012 ne soient engagées. Aujourd’hui, le geste est spectaculaire, sans doute symbolique mais l’économie qu’il génère est minimale, sinon marginale : elle ne concerne que les frais d’exploitation des huit courses du calendrier sous réserve des acomptes déjà versés et indemnités à prévoir ; ça revient à dire que 80% au moins du budget 2012 ont été dépensés en pure perte : beau gâchis !

     

    Que dirait-on d’un paysan qui aurait labouré son champ, hersé, préparé la terre, acheté et semé les graines, acheté et épandu les engrais et traitements strictement nécessaires et qui renoncerait à la récolte pour économiser la location de la moissonneuse ??

     

    Sur le fond, la décision de Peugeot en 2006 de revenir au Mans avec le programme 908( Turbo-Diesel) après le victorieux programme 905 de 92/93 et de courir le programme ILMC était assez risqué: le seul intérêt (majeur) de ce championnat étant l’épreuve des 24 Heures du Mans, l’un des deux évènements les plus considérables du sport automobile, les autres six ou sept épreuves se courant sans aucune couverture médiatique au niveau international ; et quand on sait que le défi technique que représente le contrôle de ces monstres de plus de 700 cv, et 100 M/kg de couple, dévalant à plus de 350 Km/h est du même niveau que celui de la F1 et même plus élevé, si on intègre la donnée endurance , cela suppose un budget de développement disproportionné par rapport au bénéfice médiatique qu’on peut en attendre… si on ne gagne pas au Mans…ce qui est arrivé 4 fois sur 5 pour le programme 908 !

     

    Or, précisément, en 2012, la couverture médiatique devrait s’améliorer car cette discipline sportive d’endurance a enfin droit au label « Championnat du Monde », soit « World Endurance Championship ». En outre, un troisième constructeur, Toyota, s’engage avec sa technologie moteur hybride essence/électrique, innovation qui doit drainer un certain intérêt technique ne serait-ce que pour la confrontation avec la technologie hybride diesel/électrique développée par Peugeot...et autres. Il faut, au passage, rendre hommage à cette marque qui  a eu le courage en 2007, d'affronter  Audi qui venait de démontrer au Mans sa maîtrise de la technologie turbo-diesel; elle souhaitait ainsi conforter sa position historique de pionnier du Diesel en Europe et dans le Monde ! Pour la saison 2012, une étape supplémentaire d’innovation avait été retenue avec ces moteurs hybrides diesel/électrique pour ce nouveau Championnat du Monde d'Endurance, tout à fait dans l’air du temps et en parfaite adéquation avec la stratégie produit de la marque qui est la première au monde à commercialiser trois produits relevant de cette très prometteuse technique : l’innovation dans l’automobile est trop rare pour que cela ne soit pas souligné comme il se doit !

     

    Alors pourquoi cette décision abrupte qui semble bien irrationnelle ??

     

    On a vu que depuis septembre 2011, on ne trouvait pas d’éléments économico-politiques nouveaux, susceptibles d’expliquer la remise en cause du programme. Mais il faut noter qu’un changement important vient d’intervenir dans la direction Générale du groupe PSA où M. Gales  a été remplacé par M. Saint Geours au poste de Directeur des Marques. Ce dernier, DG de Peugeot de 1998 à 2007 a montré à l’époque qu’il n’était pas hostile à la compétition, il a même approuvé le programme 908 ; mais depuis son retour chez PSA, notre brillant énarque est passé par la Direction Financière du groupe avant cette récente promotion et il se pourrait qu’il ait intégré une idée plus exigeante de la rigueur financière qui l’aurait poussé à demander à Peugeot ce sabordage…J’y verrais trois possibles motivations :

     

    -- Il pourrait considérer que Peugeot-Sport n’a pas rempli son contrat en manquant la victoire au Mans deux années de suite en 2010 et 2011 ; mais dans ce cas ce serait plus au patron (contesté) de l’organisation  d’en faire les frais que toute une équipe qui a par ailleurs fait la démonstration de sa compétence.

     

    -- PSA a annoncé l’année dernière la suppression de 6000 postes à court et moyen terme ; ça va se faire dans la douleur…Même si les collaborateurs ont la promesse d’être reclassés, l’arrêt de la compétition chez Peugeot est un signe que personne n’est à l’abri ! Sans être une consolation, loin de là, ça peut être un geste politique.

     

    -- Enfin, depuis un an, le titre Peugeot est malmené en bourse, perdant quelque 56 % de sa valeur. Cet arrêt spectaculaire pourrait aussi être destiné à rassurer le marché sur la rigueur budgétaire de Peugeot…Si c’est ça, c’est raté, du moins sur la cotation de ces dernières 48 heures !

     

    Quoiqu’il en soit quand on entend tous les jours pleurer les experts, les politiques, et les tristes candidats à la Présidence, déclarés ou pas, sur le manque de compétitivité de l’industrie française, on ne peut que déplorer ce lamentable gâchis ; car la compétitivité n’est pas faite que de coût du travail, mais, et on n’en parle pas assez, de la valeur du produit fabriqué, de son degré d’innovation ; et le sport automobile est le vivier de l’innovation !

     

    J.CH le 20/01/12