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  • Compétitivité

    Compétitivité à la française.

     

    Par ces temps de campagne électorale, il est souvent débattu de la compétitivité de la France sur un mode généralement pessimiste…et bien sûr, « ya ka-faut kon », chaque candidat à la Présidence y va de sa petite piqûre démagogue. La désindustrialisation de notre doux pays est une calamité avec le cortège de malheurs et de tristesse qu’apporte le chômage: 700.000 empois perdus en dix ans, c’est dramatique et on risque fort d’être entrés dans la spirale infernale: moins d’activités® moins de ressources® plus de chômage® plus d’allocations® plus de fiscalité® moins de profit® moins d’investissements d’avenir® moins d’activités futures ! Ce constat touche toute l’industrie mais devient passionnel quand il s’agit d’industrie automobile et du problème posé par ses délocalisations. On invoque alors immanquablement le coût du travail comme la cause essentielle de ce manque de compétitivité française. Sans nier l’importance de ce facteur, il ne faudrait pas se voiler la face et se tourner systématiquement vers l’Etat pour désigner le responsable: il faudrait aussi que nos constructeurs nationaux assument leur responsabilité. Chez Renault, par exemple, si l’usine de Sandouville est gravement sous-engagée, les délocalisations ne sont absolument pas en cause: simplement, les produits de haut de gamme que produit cette usine ne se vendent plus pour bon nombre de raisons qui à 90% incombent au constructeur: image de qualité, adéquation produit, design, renouvellement de l’offre, dynamique commerciale… etc …etc ….

    Mais, revenons sur le coût du travail en France qui a fait l’objet de nombreuses polémiques. Depuis les pompeux « Etats Généraux de l’Automobile » de janvier 2009, Renault nous assène qu’une Clio produite à Flins coûte 1300€ de plus que la même produite à Bursa en Turquie, ce qui pourrait se traduire, toutes choses égales par ailleurs, par un prix client supérieur de 2500 à 3000€, ce qui serait bien sûr insupportable! En l’occurrence, on a bien l’impression que Renault « charge la mule »…en effet, il faut 15 heures à Flins pour assembler une Clio, à 33€/heure, ça fait 495€ de main d’œuvre directe pour 20 heures environ à Bursa (moins automatisée) à 10€/heure, soit 200€, soit un écart, très approché mais on raisonne en ordre de grandeur, de 295€ sur 1300€...où est le reste ?? Probablement dans les pièces achetées à l’extérieur qui comptent pour 70% du prix de revient, mais on peut aussi monter des pièces turques ou même chinoises à Flins quitte à contourner certains principes industriels…de plus, comment croire cet écart quand le Président de Toyota Europe, Didier Leroy, ex-Renault, ex- patron de l’usine Toyota de Valenciennes qui produit la Yaris, déclare que les écarts de coût de localisation sont minimes quand on réintègre les écarts de productivité et de logistique.

    On comprend bien que les patrons de l’industrie française fassent pression sur l’Etat pour diminuer les charges sociales, effectivement plus lourdes en France qu’ailleurs, c’est légitime. Mais dans l’automobile ça n’empêche pas Volkswagen, confronté dans son pays à des coûts de main-d’œuvre comparables aux nôtres de prendre régulièrement et d’une façon de plus en plus inquiétante des parts de marché à nos nationaux. Sur les deux premiers mois 2012, en Europe, le marché automobile (VP) a décru de 8,3 %: les ventes de Peugeot ont baissé de 18,3%, celles de Citroën de12,8 % et celles de Renault de 28,5 %, alors que VW n’a concédé que 1 % ! Résultat, ce dernier a gagné 0,9 point de part de marché alors que Peugeot en perdait 0,8, Citroën 0,3 et Renault…1,9 ! A titre indicatif, 1 point de part de marché en Europe vaut environ 130 000 voitures à l’année. Il y a même pire: en France, sur leur propre marché domestique qui baisse lourdement de 21,6% sur ce premier trimestre, Peugeot perd 32%, Citroën 28,1%, Renault 30%, alors que VW ne perd que 3%….Il n’y a donc pas de fatalité, la crise n’est pas la même pour tout le monde.

    Il est clair que la compétitivité ne s’arrête pas à la notion de coût: c’est évidemment un handicap qu’une auto produite en France coûte quelque 5% plus cher, mais ça serait gérable si on pouvait la vendre aussi 10% plus cher que ses concurrentes directes, comme le fait VW! Le coût de revient est d’importance; mais la valeur client du produit est déterminante. Dans sa présentation des résultats financiers 2011, M. Ghosn a déclaré que Dacia dégageait une marge de 6%, alors que la marge opérationnelle du groupe Renault, pour ses activités purement automobiles n’est que de 0,8%; le client d’une Dacia sait ce qu’il achète: une auto basique, fiable, garantie 3 ans, et au juste prix. Il ne lui vient pas à l’idée d’en négocier le prix, alors que pour le reste de la gamme Renault le prix affiché est devenu seulement indicatif, tant le jeu des remises est important et difficile à gérer, tant pour le client que pour le constructeur. D’où, chez les constructeurs généralistes un poids de plus en plus lourd du budget « moyens commerciaux » ( promotions, aides à la vente, financements de stock réseau, publicités etc…) qui, je crois , n’est pas géré avec la même rigueur que les coûts amont.

    Le prix de vente client, la valeur du produit vue par le client, ne se décrète pas, il se mérite; c’est le résultat de la stratégie long terme du constructeur, de son image, de sa crédibilité qui passe par la qualité et l’attractivité de ses produits dans le temps. Il n’y a pas particulièrement de génie dans les produits de VW, mais un sérieux rassurant enveloppé dans l’image germanique. Malgré la globalisation et l’Europe en cours de fédéralisation, la nationalité du produit joue encore beaucoup dans le processus d’achat; il y a des a priori tenaces dans le public qui caractérisent les nations avec leurs retombées négatives et positives qui, inconsciemment s’appliquent aux produits. Dans ce domaine, être français n’est pas un handicap, bien au contraire! La France n’est-elle pas le berceau de l’automobile, la patrie de la liberté, d’un certain art de vivre, du bon goût, de la douceur de vivre , du luxe? Or, on constate que, progressivement, sans doute avec l’ambition de conquérir des clientèles internationales, l’automobile française se banalise. Par exemple, le confort de suspension était une qualité traditionnelle typique des voitures française et voilà que, non seulement les concurrents allemands, particulièrement, ont corrigé leur défaut dans ce domaine, mais les autos françaises deviennent de plus en plus inconfortables, au point qu’aujourd’hui, une BMW ou une Audi apparaissent mieux « suspendues » qu’une Laguna ou une DS4; confort sacrifié à la tenue de route…pourtant la voiture de Monsieur Toutlemonde a d’autres critères à remplir que le temps que réalisera à son volant tel journaliste spécialisé pour gravir le Mont Ventoux! On sent que dans l’élaboration du produit, il manque une autorité arbitrale entre les nombreuses parties prenantes, une Direction du Produit forte, inspiratrice et gardienne d’un cahier des charges. Sous l’influence américaine, la fonction produit a été dévalorisée en « Product Planning » qui gère une gamme de véhicules , sans âme et sans imagination selon le planning de renouvellement, on pourrait dire , démographiquement, en faisant des croix sur des grilles de croisement motorisations/équipements, « me too, me too », les yeux rivés sur la concurrence du moment plus que sur les moyens de séduire les clients à 10 ans.

    Chez les constructeurs généralistes tout le monde fait du produit dans le plus grand désordre: Patron, voire Femme du Patron (je l’ai constaté chez un concurrent), Commerçants ou plutôt distributeurs, Marketeurs à la petite semaine, Designers, Ingénieurs d’études, et même Politiques (Verts de préférence). Pour améliorer la compétitivité de l’automobile française, il y a mieux à faire que de se tourner vers l’Etat! Il faut, d’abord, rétablir l’autorité d’une vraie Direction du Produit, directement rattachée au Patron, avec des gens de produit qui aient une vista long terme de l’automobile, un flair des innovations porteuses d’avenir, et le courage d’imposer à leur Direction Générale une Stratégie Produit à long terme.

    Le 14/04/2012