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  • 80 km/h LETTRE OUVERTE à MONSIEUR le PREMIER MINISTRE

    80km/h   Lettre ouverte à Monsieur le Premier Ministre

    En décidant de limiter la vitesse sur les 400 000kms de routes secondaires à 80km/h, vous décevez profondément quelques millions d’automobilistes, généralement de province, qui circulent quotidiennement sur ces routes.

    Ils roulent en auto ou à moto parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement, pour aller à leur travail ou  pour assumer leur fonction et à tous les coups pour gagner du TEMPS, et vous décidez d’augmenter leur temps de parcours de 11% (90/80) MERCI ! C’est théorique ? Pas tellement. Il y a toute sorte de routes secondaires : des « roulantes », des dangereuses parce que surchargées de circulation, des vicieuses, étroites et sinueuses. Oui, la vitesse maxi autorisée est théorique : selon le parcours et le niveau de circulation on l’atteint plus ou moins souvent, mais elle régule la circulation. Aujourd’hui, même sur route dégagée, il suffit que 20% de gens roulent à 10 voire 20 km/h en dessous de la vitesse autorisée pour créer des bouchons d’où sortent énervements et parfois manœuvres inconsidérées et toujours dangereuses. Pire, on constate que beaucoup de gens franchissent les zones où un radar de contrôle de vitesse est implanté, précautionneusement à 10 ou 20 km/h en dessous du seuil de vitesse autorisée.

    La majorité des français sont des « veaux », c’est bien connu et de Gaulle, lui, n’avait pas peur de l’affirmer ! et depuis la  toute puissance médiatique n’a rien arrangé….

    Vous diminuez ce fameux seuil de vitesse de 11% et la vitesse moyenne de circulation diminuera à peu près dans les mêmes proportions, c’est d’ailleurs le but recherché. Se pose alors un problème de flux, du niveau du certificat d’études : le volume de circulation restant le même, si son courant d’écoulement diminue, son débit augmente – 65% des accidents mortels résultent de collisions. Plus de véhicules en circulation dans une zone donnée et plus de risques de collisions: vous voulez diminuer le nombre de morts, vous risquez de l’augmenter.

    J’entendais hier sur les médias un de vos « responsables accrédités » de la circulation routière déclarer sentencieusement : « c’est CERTAIN, en diminuant la vitesse, on diminue le nombre de morts parce que E = ½ mV2 » ; là, on arrive au niveau du bac. L’énergie cinétique augmente avec le carré de la vitesse oui, c’est bien connu et c’est grave en cas de choc ; mais l’énergie est toujours positive lorsqu’elle est maîtrisée.

    C’est un argument imbécile : les spécialistes accrédités de la sécurité routière seraient plus inspirés à considérer les causes de l’accident avant ses conséquences.

    La vitesse est un élément aggravant en cas d’accident mais ce n’est généralement pas la cause réelle ; c’est la rubrique dépotoir susceptible de tout expliquer car ce n’est jamais, tout à fait faux… Bien sûr si les statistiques officielles affectent environ 30% des morts à la vitesse, c’est toujours contestable. Et comme ces fonctionnaires ne sont pas des imbéciles, on peut les suspecter d’une certaine malhonnêteté intellectuelle (voir le refus de rendre compte des expériences à 80km/h sur route qu’ils ont eux-mêmes demandées en 2015 et les conditions dans lesquelles ces expériences ont été menées). Au lieu de faire objectivement leur travail de recherche ils cèdent aux courants dominants de la bien-pensance écologique.

     La démonstration est pourtant faite : depuis 3 ans la pression est de plus en plus forte sur les contrôles de vitesse via la multiplication des radars (1 200 en 2008 pour environ 5 000 aujourd’hui), les résultats sont clairs ; après avoir baissé pendant 10 ans la mortalité routière recommence à augmenter depuis 2015. Et vous avez décidé de continuer dans cette voie… quel gâchis !

     A force de focaliser la sécurité routière sur l’excès de vitesse et de concentrer quasi exclusivement les forces de police sur cette infraction, les autres règles fondamentales du Code de la route sont de plus en plus bafouées. En ville les feux oranges sont devenus des signes d’accélération et les feux rouges des passoires, les STOP n’arrêtent plus grand-monde ; de même sur route, refus de priorité, circulation à gauche, dépassements sans visibilité, chevauchements de ligne blanche, se multiplient ; pratiquement, on ne voit plus jamais de gendarme surveillant la circulation : la peur du Radar a remplacé la peur du Gendarme, par défaut. Rouler devient tous les jours plus dangereux à cause de la multiplication des infractions en tous genres et cet abaissement de la limitation de vitesse sur route va condamner les usagers disciplinés sur un parcours donné, à rester plus longtemps exposés à ce danger : encore MERCI !

    Malhonnêteté encore : les autorités qui « gèrent » ou qui « observent » la Sécurité Routière ont affecté à l’action des radars, le bénéfice des progrès considérables (mais insuffisants) de la mortalité routière entre 2001 et 2014 (de 7 720 morts à 3 384). C’est « oublier » ce que les constructeurs ont dépensé depuis 20 ans pour améliorer la sécurité active et passive de leurs véhicules en milliards d’euros d’études et recherches et en centaines d’euros de surcoût à la voiture : renfort des structures châssis, tenue de route, taille des pneus, freinage, aides à la conduite diverses : ABS, anti-skid, détecteur de changement de file  etc etc ……

     Depuis quelques années le progrès technique sature dans ce domaine. On peut même se poser la question du bienfait de certaines avancées comme la connectivité des véhicules quand ça aboutit à l’intégration d’écrans tactiles susceptibles de détourner l’attention des conducteurs de la conduite. Mais le problème central est devenu le développement du Smartphone à bord. On peut estimer que son usage sous forme de SMS en particulier est statistiquement sous-estimé dans les accidents : qui va spontanément déclarer être en train de rédiger un SMS lorsqu’il a perdu le contrôle de sa voiture ? Cette inflexion de la courbe de la mortalité routière depuis 3 ans correspond à un palier de l’amélioration technique de la sécurité des véhicules… et de la multiplication des radars. Cela indique bien la part respective des deux éléments, progrès techniques d’une part et limitation de vitesse d’autre part, dans l’accidentologie.

    Je ne doute pas de votre sincérité quand vous déclarez vouloir sauver des vies ni de votre courage pour vous engager ; alors permettez-moi quelques suggestions:

     1/ Multiplier les contrôles d’alcoolémie et d’usage de stupéfiants ; alors que ces fautes sont impliquées dans plus de 30% des accidents mortels, leurs contrôles sont ridiculement rares par rapport aux contrôles de vitesse : sur plus de 3 500 000 kms parcourus personnellement, je n’ai été contrôlé que 5 fois.

     2/ Au lieu de multiplier les radars sur les routes secondaires, consacrer ces investissements à des brouilleurs de Smartphone dûment signalés, sur les axes secondaires les plus accidentogènes.

     3/ Les dépassements représentant la manœuvre la plus dangereuse de la conduite automobile, multiplier systématiquement des zones de dépassement tous les 5 kms par exemple.

     4/ La signalisation routière est souvent incohérente, voire ridicule : par exemple« accident à 34km, modérez votre vitesse !». Qui décide de la priorité de telle voie par rapport à telle autre, en rase campagne, de l’implantation de telle bande blanche à priori injustifiée? avec quelle formation ? Quelle compétence ? Quelle responsabilité ? Que ça concerne priorités ou limitations de vitesse locales, c’est tellement incohérent que leur signalisation n’est plus crédible et les usagers n’en tiennent plus compte. Il est urgent d’apporter enfin de la rigueur dans la législation routière locale et sa signalisation.

     5/ Dans les villages, remplacer les « gendarmes couchés » (une calamité environnementale) et autres obstacles dangereux à la circulation par des radars tronçons. Après avoir fait la fortune des radaristes, l’Etat peut leur demander d’étudier un radar tronçon simple à un prix accessible pour une large diffusion territoriale. Mais dans le même esprit que la suggestion précédente, contenir la limitation de vitesse à la zone réellement dangereuse ; retrouver le distinguo entre la limite de commune et l’ancien terme d’agglomération, soit une suite ininterrompue d’habitations.

     6/ Revoir complètement la formation des nouveaux conducteurs en se focalisant sur les réelles difficultés de la conduite sur routes, notamment : appréciation de la vitesse de son véhicule par rapport aux autres, manœuvres de dépassement, précautions à prendre par faible visibilité.

     7/ Enfin, au vu des mauvais résultats obtenus depuis 3 ans, remplacer les « gérants » de la sécurité routière par des gens compétents, dynamiques, ouverts, objectifs, ayant l’expérience de la route plutôt que des arcanes politiques.

     

    Avec tout mon respect et ma considération

     

     

    Jacques Cheinisse, le 8 janvier 2018

     

    Directeur commercial chez Alpine 1963/1968

    Directeur sportif Alpine/Renault 1968/1975

    Chef de Produit chez Renault 1975/1984

    Directeur du Produit chez Renault 1984/1996

    Directeur de la Prospective Automobile chez Usinor 1996/1999