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Ghosn viré par Nissan...Enfin !

GHOSN viré par Nissan… Enfin !

 

Je n’ai pas attendu que le Président « irremplaçable » de Renault soit en garde à vue à Tokyo pour clamer haut et fort tout le mal que je pense de sa gestion, en attestent mes nombreuses notes sur le sujet dans ce blog.

« On est souvent puni par où on a péché » …

Dans sa gestion de l’alliance, il n’a cessé d’avantager Nissan au détriment de Renault. Humainement, même si ce terme cadre mal avec le personnage, on peut le comprendre puisque c’est lui qui a sauvé Nissan de la faillite à partir de 1999 et que de fait, elle est un peu restée SON affaire ! Sans oublier qu’à son retour chez Renault en 2005, pour remplacer Louis Schweitzer, il restait payé 7 fois plus cher par Nissan que par Renault. Puis les temps ont changé : En mars 2015 le Conseil d’Administration de Renault (à sa botte) a enfin reconnu son incommensurable talent en triplant sa rémunération pour la porter autour de 7 millions, entre salaire fixe et prime de performance ; pas mal pour un mi-temps ou plus exactement tiers ou quart de temps, voire moins, puisqu’il a gardé jusqu’en 2017 les mêmes fonctions chez Nissan que chez Renault (Chairman + CEO), dans la foulée, il a hérité de la présidence de Mitsubishi, sans doute pas bénévolement et qu’il est toujours et encore Président de RNbv, la structure de droit hollandais qui gère (assez opaquement) l’Alliance Renault/Nissan et maintenant Mitsubishi.

En outre, il détient officiellement 537 720 actions Renault dont les dividendes lui rapportent bon an mal an entre 1 million d’euros et 1,909 millions (valeur juin 2018) sachant qu’il n’est pas du tout exclu qu’il possède beaucoup plus d’actions Renault que ne le déclare le C.A. Par ailleurs, le pauvre a bien d’autres affaires à gérer, comme son vignoble au Liban, notre surhomme est donc bien occupé….

Personnellement cela ne me choquerait pas vraiment si l’entreprise Renault s’était elle aussi enrichie. Or, depuis bientôt 20 ans, c’est le contraire qu’on constate dans tous les domaines :

 

Finances.

La capitalisation boursière de Renault à fin 1999 était de 11,5 milliards. En 2005 quand Shweitzer a passé le relai à Ghosn elle était de 19,6 milliards. Elle est aujourd’hui de 18,35 milliards. Mais si on mettait à part la valeur des 43,4% d’actions de Nissan que possède Renault, que resterait-il de sa valeur en propre ?

La gestion financière de Renault par monsieur Ghosn a toujours été très courtermiste. Il semble orienté prioritairement sur le cours de la bourse. Pour exemple son empressement à présenter le meilleur ratio possible de « Free Cash Flow », le critère actuellement préféré des financiers. Pour y arriver, il a fait réduire au maximum les stocks à tous les niveaux de l’entreprise, ce qui fait prendre beaucoup de risques et empêche d’exploiter les retournements positifs de marchés, par manque de voitures à vendre quand une opportunité se présente : ce fut le cas en 2009.

En outre, il a décidé plusieurs fois de reculer des programmes d’investissements notamment dans le produit Haut de Gamme : les projets Espace et Talisman ont été reculés...de plusieurs années pour l’Espace ; les clients renouvelant sur ces segments de gamme se sont lassés d’attendre et se sont tournés vers la concurrence. Résultat, le Haut de Gamme de Renault est devenu en volume, le dernier de la classe derrière Volkswagen, Opel, Ford et même Peugeot.

Par contre on se vante depuis 10 ans d’avoir investi 4 milliards au niveau de l’Alliance sur des programmes Véhicules électriques aventureux, qui non seulement sont des bides commerciaux, mais qui techniquement ne justifiaient pas un tel investissement, ressortant plus du bricolage que de la Recherche. Au final cet « ambitieux » projet s’est limité à adapter une batterie achetée sur étagère chez LV et un moteur électrique chez Continental à une base roulante existante ! Enorme gâchis ou intox ?

 

Commercial.

La pénétrationVP de la marque Renault en Europe en 1999, quand Renault a pris le contrôle de Nissan, était de 10,99%. En 2005, quand Ghosn a pris les commandes, elle était encore de 9,79%. A fin octobre 2018, elle n’est plus que de 7,1%.

La part de marché est l’indicateur le plus révélateur de la santé d’un constructeur. Pour Renault une baisse de pénétration de 3,89 points en Europe représente une perte annuelle de l’ordre de 600 000 véhicules, l’équivalent de la capacité de 3 usines et autant de clients partis chez les concurrents. Mais les technocrates de la finance sont incapables d’évaluer la valeur du client, du moins dans l’automobile.

Au niveau du groupe Renault on voit aussi que la croissance externe amenée par les bons résultats de Dacia (merci M. Schweitzer) n’a pas suffi à compenser les pertes Renault malgré le lourd investissement consenti en Roumanie.

 

Stratégie Pays.

A première vue, cette faiblesse européenne est maintenant compensée à l’export puisque les ventes s’équilibrent autour de 50%. A cette réserve près que le marché européen dévolu par nature à Renault est un des marchés les plus disputés au monde et donc peu rémunérateur, surtout pour des généralistes. On remarque par ailleurs qu’à l’export c’est à Renault qu’ont été assignées les régions politiquement risquées, avec des économies très volatiles : Inde, Russie, Turquie, Iran, Argentine, Brésil, Corée. Alors que Nissan naturellement implanté au Japon s’est développé assez confortablement aux USA, au Mexique, en Chine et dans les pays de l’ASEAN, tous marchés beaucoup plus stables et rémunérateurs. C’est surtout la Chine que l’on peut reprocher à M. Ghosn : en 1999, quand Renault a pris le contrôle de Nissan, l’un des arguments présentés à la presse était que ce partenariat aiderait Renault à s’implanter en Chine…

Mais il a été décidé que ce serait Nissan, malgré le contentieux historique qui reste pesant entre Chine et Japon et elle y réussit très bien !

Il faut rappeler que ce marché est tenu depuis longtemps par VW puis GM qui en tirent plus de profits qu’aux USA.

 

Image.

En 1999, Renault avait l’image enviable d’un constructeur dynamique, innovant, dont la gamme de véhicules marquait son époque par leur originalité : R25, Espace, 18 Turbo, Twingo, Kangoo, Scénic.

La prise de contrôle de Dacia puis Nissan, puis Samsung Motors, confirmait la bonne santé de l’entreprise. En F1, Renault s’était retiré après un triomphe avec 6 titres de Champion du Monde, développant la notoriété et la crédibilité technique de la marque.

En 2005, l’image est encore solide mais on rentre dans une communication décalée ; le slogan « Renault, des voitures à vivre » devient « Renault, Créateur d’automobiles » alors même qu’au niveau du produit, Renault rentre dans le rang et devient même « suiveur ». Puis à partir de 2008, M. Ghosn , en panne d’innovation produit, développe l’intox Véhicule Electrique alors qu’il faudra attendre 4 ans pour avoir un tel véhicule dans la gamme, un an après Nissan...

Ghosn et Pelata, son n°2 se lancent alors dans des déclarations délirantes sur le V.E. :

« Les V.E. feront 10% du marché mondial en 2020 » : fin 2018 ils sont encore autour de 1%

« L’Alliance aura vendu 1.500.000 V.E. en 2016 » : fin 2018, ils sont à moins de 500.000

« Zoé remplira l’usine de Flins à 150.000/an »  : 35000 Zoé produites en 2017 et guère plus en 2018

Plus grave, notre Président Visionnaire ne voit que le V.E. pour satisfaire les futures normes environnementales et déclare ne pas croire à l’hybride : mais depuis le lancement de la Prius en 1997, Toyota a vendu 12 millions d’hybrides quand l’Alliance est encore loin de passer son premier million de V.E. ! Et ce n’est pas Renault qui a l’image du constructeur écologique mais bien Toyota !

En 2010, il déclare que le problème de l’autonomie des V.E. est résolu grâce au partenariat avec la société israélo-américaine Better Place dont les stations-service seront capables de changer en 1 minute votre batterie déchargée pour une bien chargée ; la Renault Fluence ZE est transformée à grands frais pour être compatible avec cette manœuvre, puis est promise à  remplir les rues de Tel-Aviv ; elle est présentée en grande pompe au Mondial de Paris…Mais Better Place fait faillite et la Fluence ne lui survivra pas longtemps….Combien de dizaines ou centaines de millions cette invraisemblable opération a-t-elle couté à Renault ? Consolation : c’est au moins la preuve que le ridicule ne tue pas !

Comment un patron peut-il se tromper aussi lourdement sans que des collaborateurs compétents ne le ramènent à la raison ? Probablement parce qu’il est entouré de courtisans et qu’il gouverne par la terreur ! On a pu le constater clairement lors du scandale du faux espionnage de Renault, début 2011. A cette occasion, M.Ghosn a accordé plus de crédit au scénario abracadabrant de ses barbouzes de la sécurité qu’à des cadres dirigeants jusque là irréprochables pouvant faire état d’une carrière exemplaire de 20 ou 30 ans. Le plus scandaleux dans cette affaire c’est que ces 3 malheureux cadres n’ont trouvé aucun appui  dans leur entourage professionnel, que ce soit collègues, hiérarchie ou syndicat ; ça ne peut s’expliquer que par le climat de terreur que le patron fait régner dans l’entreprise. Après cette interview  au 20 heures de TF1 où il a étalé toute son arrogance pour affirmer qu’il avait de multiples preuves de la culpabilité de ces cadres et le démenti cinglant apporté par les services de police dès qu’ils ont pu enquêter sérieusement, ce n’est pas des  excuses qu’on attendait mais sa démission, en homme d’honneur…Mais le C.A.l’a reconduit et même, à l’unanimité . La honte sur Renault !

 

« On est souvent puni par où on a péché ! »

 

Une autre preuve très claire de l’influence de Carlos Ghosn en faveur de Nissan concerne la gestion de l’Alliance. Pour dynamiser les synergies jugées insuffisantes entre les deux constructeurs, il décida en 2009 de renforcer les structures RNbv, l’entité Alliance qui décide de la stratégie respective des deux groupes, des axes de recherche, des investissements, etc….

 

Des responsables ont été nommés par grandes fonctions : Ingénierie, Recherche, Fabrication, Achats, Commerce, Ressources humaines. La parité a bien été respectée, à savoir trois Renault et trois Nissan ; mais les deux postes vraiment stratégiques décidant du futur de la gamme de véhicules, à savoir Ingénierie et Fabrication, ont été attribués à des Nissan. Le poste Achats, très important aussi puisque 70% de la valeur d’une auto est acheté à l’extérieur est revenu à Renault mais c’est l’histoire qui veut ça : entre 1999 et 2002, pour sortir Nissan de la ruine, Ghosn a licencié 21 000 collaborateurs japonais, a fermé 6 usines, mais surtout a rompu le contrat de 550 fournisseurs japonais « traditionnels » et pas assez performants.

Récemment, en février 2018, suite à l’entrée de Mitsubishi, cette structure s’est encore renforcée mais globalement l’influence de Nissan pour décider de grands axes de la stratégie reste majoritaire.

Alors, quand les représentants de l’Etat s’inquiètent de l’éventuelle mainmise de Nissan après le scandale Ghosn, c’est un peu tard : ils ont déjà laissé manœuvrer ce bon M. Ghosn dans ce sens, c’est déjà le cas et tous les membres du C.A. y compris les deux représentants de l’Etat et les quatre représentants du personnel, ont laissé faire. Mais à priori Nissan n’a aucun intérêt à affaiblir davantage Renault sinon, épisodiquement, pour en prendre complètement le contrôle…

 

Jacques CHEINISSE                                             le 03/12/2018

 

 

 

Commentaires

  • Bonjour Monsieur Cheinisse.
    J'attendais avec beaucoup d'intérêt votre réaction (inévitable) à ce qui n'est encore que le début de "l"affaire Goshn", à mon avis. Je l'attendais acerbe, vu votre sentiment à l'égard de cet étrange personnage. Je suis bien servi, grâce notamment à tous vos rappels chronologiques et chiffrés. Depuis que ne suis plus "journaliste automobile", je ne suis plus que de très loin ce qui se passe dans cette industrie qui a été, en fait, toute ma vie professionnelle (au point que je me pose encore la question de savoir d'où vient M. Goshn et comment il est arrivé à la tête de Renault.)
    Mais ce n'est pas le sort de Goshn qui m'intéresse; c'est celui de Renault. Je me souviens du temps où j'étais l'heureux conducteur de la 25 V6 Turbo. Lorsque Renault l'a arrêtée, je me suis trouvé très perdu: il n'y avait pas une seule Renault pour la remplacer. Schweitzer a un jour reconnu, en parlant d'un de me articles, que, oui, pour la Safrane, c'était une erreur... Malheureusement, l'erreur s'est aggravée. Sans vraiment de surprise pour moi car je connaissais Le Quément depuis ses années chez Ford, Mais comment la direction de Renault a-t-elle laissé ce calamiteux hurluberlu détruire le département style de la maison, et d'une manière affreusement coûteuse si l'on pense à la Vel Satis ! (Combien Renault en a-t-il vendu ?) Et depuis, Renault est totalement dépourvu de haut de gamme !
    Bonjour tristesse. Ne parlons pas de la nouvelle Alpine fantôme. Il n'y a plus de style, plus d'innovation, plus rien que des Logan et (je crois) un vague SUV d'origine asiatique. Le Quément débarqué, très bien (cela commence à se voir, mais c'est encore timide. Il manque un styliste vraiment doué là...)
    Quant à la "transition énergétique", bien sûr Goshn n'a rien compris. Seul, apparemment, le patron de Peugeot a dénoncé clairement la folie du "tout électrique". Toyota, comme vous le rappelez, a vu juste. L'hybride est actuellement la seule solution sérieuse et les Allemands (encore eux!) le savent aussi. En fait, c'est évident depuis environ trente ans (comme le montrait bien un concept car Volvo présenté dans l'ombre à je ne sais plus que Mondial de l'Automobile.
    Je voulais répondre à votre excellent article sur Goshn... et de fil en aiguille nous voici confronté à une réalité beaucoup plus grave. Qui, quand, comment ? Comment rattraper vingt-cinq années perdues (sans compter les milliards) ? Situation terrible. Et je ne compte pas sur Macron pour trouver le début d'une solution.
    Bien à vous,
    Jean-Jacques

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