Ghosn a parlé !
Espionnage chez Renault : Ghosn a parlé !
Ce dimanche, 23 janvier, presque trois semaines après la révélation de l’Affaire, Carlos Ghosn, Président de Renault et Nissan a parlé…longuement : à travers une large interview au Journal du Dimanche d’abord, puis, théatralement, au 20 Heures de TF1.
Il n’avait rien de nouveau à nous apprendre, si ce n’est que les « convictions » de ses proches collaborateurs concernant l’Affaire sont, pour lui, des « certitudes » et même…multiples ! Mais, toujours sans preuves factuelles ; «… nous attendons que la justice fasse son travail » dit-il et les trois cadres, maintenant licenciés contre-attaquent en demandant les preuves et les détails de ce qu’on leur reproche.
J’ai quand même noté quelques contradictions : Cette conviction qui a débouché sur le licenciement de ces trois cadres a été étayée par une enquête interne qui a conclu que ces gens avaient touché des pots de vin versés sur des comptes en Suisse et au Lichtenstein et, si on comprend bien, c’est le grief essentiel de leur accusation. Or, M.Ghosn déclare : « Aller enquêter à l’extérieur pour savoir qui est responsable, ce n’est pas notre rôle ». Il dit aussi avec beaucoup d’assurance concernant le programme Voiture Electrique, : « Nous avons une avance mondiale sur tous nos concurrents et nous avons déjà lancé la Leaf en 2010 » Pour être précis, c’est Nissan qui a lancé la Leaf au Japon et aux U.S., c’est Nissan associée à Nec qui maîtrise la technologie des batteries, c’est Nissan qui a présenté au Salon de Tokyo 2003 un moteur électrique très innovant et les prédateurs de l’espionnage industriel seraient plus inspirés à s’attaquer à Nissan qu’à Renault !
Mais les incohérences et contradictions sont courantes dans cette triste affaire, par exemple au niveau de la qualification de ces coupables agissements :
Le 6 janvier, M.Husson, Directeur Juridique et déontologue en titre les juge « très graves », justifiant la mise à pied des trois cadres « pour protéger sans attendre, les actifs stratégiques, intellectuels et technologiques de notre entreprise »
2 jours après, le 8 janvier, M.Pelata, Directeur opérationnel, déclare au Monde : « Les choses sont claires, aucune pépite technologique, stratégique sur le plan de l’innovation, n’a pu filtrer en dehors de l’entreprise, y compris les quelque 200 brevets déposés ou en cours de dépôt » Je ne vois d'ailleurs pas bien comment on peut afficher une telle certitude quand on est convaincu de fuites incontrôlées très graves…Mais ça a au moins le mérite de rassurer les actionnaires ! Il ajoute : « C’est grave mais moins que si le préjudice avait porté sur la technologie »
5 jours après, Renault publie un communiqué (le premier officiel concernant l’affaire) pour annoncer le dépôt de plainte contre X : « Cette plainte fait suite à la découverte d’agissements graves, portant préjudice à l’entreprise, en particulier, sur ses actifs stratégiques, technologiques et intellectuels »
Enfin le 23 janvier, le Patron déclare au JDD : « Nous sommes arrivés à cette conclusion que ce qui est sorti ne correspond pas à des informations technologiques. Il pourrait s’agir d’informations sur notre modèle économique »
On a envie de dire « Tout ça pour en arriver là » ! Peut-on sérieusement imaginer que les paramètres économiques, forcément très liés aux conditions d’industrialisation françaises intéressent à ce point la Chine, commanditaire présumé ?
Autre invraisemblance, à mes yeux, concernant le principal accusé, Michel Balthazard : C’est le type même du cadre dévoué, pur produit de Renault, 30 ans de maison, le Losange tatoué sur la poitrine ; en janvier 2008, juste trois ans avant la déchéance, il est promu Membre du Comité de Direction en tant que « Directeur de l’Amont, des Projets et des Prestations », LE poste déterminant pour l’avenir de la Gamme Renault qui devrait lui valoir une rémunération de l’ordre de 250.000 euros annuelle. Qu’aurait-il donc à faire avec deux comptes off-shore de 130.000 et 500.000 euros à partager avec deux « complices » reniant ainsi toute une brillante carrière de laborieux cadre dirigeant à 80 heures par semaine !
Je pense que M.Ghosn est monté au créneau pour deux raisons. Un certain scepticisme se développe dans les médias : voir, par exemple, le titre ambigu à la une du JDD : « L’incroyable affaire qui ébranle Renault » ; voir aussi une page très critique sur le site Les Echos.Fr. L’autre raison qui cadre avec la stratégie très court-termiste de Renault: L’action a perdu 2,49 % dans la semaine ! Carlos Ghosn a joué au poker en misant 4 milliards d’euros sur la voiture électrique ; ça n’a pas ému les analystes financiers qu’il met facilement dans sa poche puisque l’action Renault a fait un beau parcours en 2010, mais la fin de la partie approche, les nerfs se tendent, rendez-vous fin 2012 !