Salon de Francfort.
Les futurs bâtards du couple ZETSCHE-GHOSN ( Daimler-Mercedes/Renault-Nissan )
Les PDG de Daimler et Renault-Nissan ont profité de la vitrine internationale du Salon de Francfort pour relancer l’actualité sur leur alliance et son prétendu élargissement à Infiniti. Cette marque de prestige, on pourrait dire sur-marque comme on dit usuellement sous-marque, a été crée en 1989 par Nissan pour attaquer les segments « Luxury » du marché américain, alors dominés par les constructeurs locaux Cadillac et Lincoln et surtout, les européens Mercedes, BMW, Volvo, Jaguar. Au-delà de Nissan, cette initiative était bel et bien planifiée par l’industrie automobile japonaise dans son plan de conquête du marché US puisque, en même temps, Toyota et Honda firent de même avec Lexus et Acura…20 ans plus tard ce plan débouchera sur la déroute des « Big Threes », G.M., Ford et Chrysler: un Pearl Harbour moins spectaculaire mais tout aussi efficace au plan économique!
En fait, l’Alliance Daimler-Renault-Nissan conclue spectaculairement au printemps 2010 intégrait déjà Infiniti: M.Ghosn avait déclaré à cette occasion, que grâce à cet accord avec Mercedes, Infiniti disposerait enfin de moteurs Diesel dignes de la marque pour le marché européen. C’était encore un beau camouflet pour Renault qui venait de sortir (fin 2008) un V6 Diesel (V9X) « à la pointe de la technique », avec des performances au meilleur niveau:
- 235 cv et 450 Nm pour les versions Renault à traction avant,
- 265 cv et 550 Nm pour les versions Nissan-Infiniti propulsion et 4X4.
Le tout pour un ticket d’entrée de 180 millions d’euros. Le dossier de presse du 18/11/2008 concluait même: « Le nouveau V6 DCI est donc parfaitement adapté aux véhicules de haut de gamme ».
Quant à l’image prétendue des moteurs Mercedes, il faut remarquer que depuis deux ans ce sont bien les moteurs Renault qui sont devant les Mercedes au Championnat du monde de F1!
Alors, a quoi bon, et quelle cohérence dans tout ça ?
Bien sûr, Renault et Nissan fourniront aussi des petits moteurs essence et diesel à Mercedes pour ses véhicules de bas de gamme et utilitaires, car elle en a besoin pour abaisser la moyenne des émissions de CO2 de sa gamme selon les exigences européennes et éviter les lourdes amendes prévues si les objectifs fixés ne sont pas atteints.
Le seul élargissement notable de l’accord porte sur la fourniture à Infiniti d’un châssis (base roulante) Mercedes pour équiper un nouveau modèle compact se positionnant face aux BMW série 1 et Audi A3, lequel nouveau modèle pourrait représenter à terme 40% des ventes Infiniti en Europe, selon Andy Palmer de Nissan, c’est dire son importance. Là encore, la stratégie de Carlos Ghosn privilégie quelques gains court terme en investissements et effets d’échelle sans valoriser les effets négatifs à moyen terme: en principe le haut de gamme et, particulièrement une sur-marque de prestige, est destiné à promouvoir la technologie d’un Groupe et accréditer ses capacités techniques et industrielles et, ainsi, tirer le reste de la gamme. Aussi, acheter à Mercedes sa technologie sous la forme de gros moteurs ou de base roulante porte le discrédit sur les véritables capacités techniques de Renault-Nissan!
Accessoirement, dans l’esprit de M.Ghosn, mais bien plus gravement en réalité, c’est démoraliser les gens de bureaux d’études et méthodes-usine des deux constructeurs de l’Alliance dont la motivation et la fierté passent grandement par le challenge de la réussite en haut de gamme: leur patron leur livre le message qu’ils ne sont pas capables de faire un bon moteur, un bon châssis, de bonnes suspensions dignes d’équiper un véhicule premium!
Cela pose aussi le problème du positionnement du futur modèle: celui d’un animal bâtard « issu d’un croisement non identifié et dont les caractères raciaux ne sont pas déterminés nettement » (selon Larousse)…Bon courage aux communicants!
En outre le label Mercedes, aussi brillant soit-il, théoriquement, n’a rien de magique: dans un passé récent, les motorisations à l’Etoile ont visiblement porté malheur à quelques modèles étrangers qu’elles équipaient, par exemple: le beau Coupé Chrysler Crossfire, l’impressionnante Dodge Magnum, ou le lourd SUV coréen Ssangyong…
Mercedes aussi, aura ses bâtards: le petit utilitaire Cityvan, issu de Renault Kangoo: badge Mercedes mais base roulante Renault, mécanique Renault et fabriqué dans l'usine Renault de Maubeuge. Ce n’est pas trop grave car il n’y a pas beaucoup de clients traditionnels Mercedes sur ce segment du fait de l’échec cuisant du Vaneo, précédent petit utilitaire dérivé de la série A . On peut en dire autant de la Smart qui sera animée de moteurs Nissan ou Renault et même, construite, pour la version 4 places, dans l’usine Renault de Novomesto qui assemble aujourd’hui les Twingo. Depuis son lancement en 1998, la Smart aurait couté plusieurs milliards à Daimler du fait du sous-engagement chronique de l’usine: capacité de 200000 véhicules par an pour une production moyenne de 80000! C’est cette situation qui a poussé M.Zetsche, faute de trouver un repreneur à chercher un partenaire pour éponger le déficit.
En fait la situation de Daimler en terme de produits est loin d’être confortable:
-- Trois lignes de produit sont des échecs avérés: Vaneo, Smart, Maybach;
-- Cinq posent des problèmes de rentabilité: les séries A, B, G, M, et R.
Pour le reste, la pression des concurrents directs BMW, Audi et Lexus est de plus en plus pressante: Audi mène le jeu en haut de gamme en Chine et maintenant en Europe. Aux USA, BMW fait jeu égal et Lexus va revenir quand le scandale qui a touché le Groupe Toyota en 2009/2010 se sera dissipé…
En conclusion, si, depuis le début de l’année, l’action Renault en bourse a fait un parcours catastrophique perdant plus de 36% de sa valeur, celle de Daimler n’a pas fait beaucoup mieux chutant de 28% environ alors que celle de Volkswagen ne perdait que 12% environ et BMW encore moins. Cette conférence de pressse commune des deux compères avait en réalité pour but, plus de faire remonter le cours de leurs actions respectives que le moral de leurs nombreux collaborateurs!