DECROCHAGE.
Décrochage
Quand Monsieur Gallois évoque le « décrochage » de l’industrie française il choisit à bon escient ce terme aéronautique que, par expérience, il connait trop bien : dans décrochage, on retrouve cette notion angoissante de perte de contrôle…
Dans ce fameux rapport, il se garde bien de faire référence à l’industrie automobile ; pourtant si on analyse la performance de Renault sur les dix années considérées, on a un dramatique exemple de ce décrochage.
L’ACEA (Association des constructeurs automobiles européens) vient de publier les chiffres des immatriculations VP (Véhicules Particuliers) en Europe pour octobre 2012 : le bateau Renault continue à s’enfoncer avec des ventes en chute de plus de 21% depuis le début de l’année et même de plus de 24% sur le seul mois d’octobre. En 2002, la marque Renault était la première marque VP en Europe avec une part de marché de 10,7 % ; à fin octobre 2012, à périmètre équivalent, soit l’Europe de l’Ouest ( 15 pays +EFTA), elle passe en cinquième position derrière Volkswagen, Ford, Opel et même Peugeot (seul) avec une part de marché de 6,5 % : Philippe Lamirault, le Monsieur à qui on doit un passage de Renault à 15 % en Europe dans les années 80 doit se retourner dans sa tombe !
Sur la même période, sur le même marché, affrontant la même crise, avec des coûts du travail du même ordre, la marque Volkswagen passait de 10,3 à 13 % ! On me fera remarquer qu’heureusement Dacia sauve la mise : pas suffisant ! Quand on reprend la même comparaison au niveau des groupes, en dix ans le groupe Renault passe de 10,7 en 2002 à 8,1 à fin octobre 2012 quand le groupe V.A.G. passe de 18,4 à 24,5 % ; il faut ici rappeler que 1 point de pénétration du marché européen VP représente, selon les années, entre 120.000 et 150.000 véhicules. La chute de Renault s’est accélérée en 2006, en partie avec l’effondrement du haut de gamme ( Velsatis+Laguna+Espace) mais aussi après le changement de la direction générale…Il faut par contre noter, qu’à l’inverse, les ventes de notre constructeur au Brésil et en Russie ont fortement progressé depuis deux ans, grâce aux produits Dacia badgés Renault dans ces pays ; mais il n’y a pas d’exemple de percée durable à l’international sans une position solide sur ses marchés domestiques.
Si on revient au fameux rapport Gallois et ses 22 propositions pour améliorer la compétitivité de l’industrie française, on ne peut s’empêcher de faire remarquer que sa deuxième proposition, « Introduire dans les Conseils d’Administration des entreprises de plus de 5.000 salariés au moins 4 représentants des salariés… » est appliquée chez Renault depuis belle lurette, pour quel résultat ? Ce C.A. composé de 19 brillants administrateurs dont 4 représentants des salariés et 2 représentants de l’Etat, n’a-t- il pas voté à l’unanimité la reconduction du mandat de Président de Carlos Ghosn alors qu’on sortait difficilement du scandale de l’affaire de faux espionnage avec le licenciement sans motif de 3 cadres supérieurs, que la situation commerciale était déjà inquiétante et que le pari fou, à 4 milliards d’euros pour l’Alliance, de la voiture électrique devenait chaque jour plus incertain malgré l’esbrouffe de la direction générale : le 24/07/2008, lors d’un dîner « off » avec des journalistes, M.Ghosn déclarait : « Une voiture propre par définition ne pollue pas. Même pas un petit peu. Je ne crois pas à l’hybride mais au tout électrique. Dans 3 ans on verra qui a eu raison et qui a eu tort ! » Eh bien, trois ans après, la cause était entendue, la Nissan Leaf, seul véhicule électrique de l’Alliance se révélait être un bide aux USA alors que l’hybride Toyota Prius était la voiture la plus vendue au Japon…Cela s’est confirmé courant 2012 où la Leaf est encore en retrait aux US et même sous la menace d’une « public action » concernant la capacité de sa batterie alors que les hybrides décollent partout : Oui, vous avez eu tort, Monsieur Ghosn, d’imposer à Renault et Nissan cette très coûteuse galère idéologique !
Malheureusement, le très politique rapport Gallois n’a pas de proposition pour renforcer la fonction contrôle du Conseil d’Administration…c’est pourtant aussi une faiblesse bien française !
Le 18/11/2012