Renault: attention l'Etat voudrait s'en mêler!
RENAULT: attention, l’ETAT voudrait s’en mêler !
Le Figaro d’hier (24 mai) nous relate les réflexions, à voix basse, qui animent le Ministère de l’Industrie, quant au remplacement de P.Pelata chez Renault. Il n’y aurait pas de contestation sur la candidature qui tient la corde, celle de Carlos Tavares, mais sur le contenu de sa future mission et le positionnement du poste, que l’Etat souhaiterait enrichi, plus indépendant du PDG; je traduirais très librement, genre C.E.O., pour « Chief Executive Officer », à l’américaine.
C’est tout de même étonnant que l’Etat, premier actionnaire avec 15%, mais doté d’une forte capacité d’intrigue au sein du Conseil d’Administration ait laissé celui-ci renouveler le mandat de Carlos Ghosn à la Présidence de Renault et, quelques semaines après, il ne cesse de lui cirer la planche et de l’empêcher d’exercer, comme il l’entend, son mandat de patron…Magouilles de politiques qui n’ont pas eu le courage de prendre les décisions radicales qui s’imposaient dans les instances idoines!
Quoiqu’il en soit et quelque soit le scénario négocié, l’Etat veut imposer aux dirigeants de Renault, comme priorité, la stratégie industrielle: et c’est encore une erreur de gens pressés qui ne connaissent rien à l’industrie, automobile particulièrement. Les délocalisations sont certes un problème, mais, avant cela, les pertes de clients et donc de positions commerciales de Renault sont autrement plus préoccupantes: je rappelais dans la note précédente de ce blog qu’en six ans, les six années Ghosn-Pelata, Renault a perdu 2,3 points de part du marché V.P. Europe, soit environ 300 000 ventes par an, soit presque la capacité de deux usines. or, les surcoûts d’une usine mal engagée, comme Sandouville, sont plus importants que les écarts de localisation…
Construire des autos, où que ce soit, c’est relativement facile, les vendre, au bon prix, c’est autre chose!
Pour Renault, la priorité des priorités, c’est la stratégie produit; et c’est-ce qu’il faut avoir en tête dans la réorganisation de la gouvernance de l’entreprise et le choix du futur Directeur Général; il faut que ce personnage ait cette vision produit et les moyens de la faire aboutir pour la sortir de l’ornière, et, ça prendra du temps, trois ans au minimum. Et, il ne suffit pas d’être ingénieur ou, designer, ou commerçant, ou financier ou économiste, pour avoir cette sensibilité, il faut être tout ça à la fois. Le produit automobile a cette particularité d’être hautement subtil, partagé entre émotionnel et rationnel et surtout pas équilibré!
C’est clairement cette vision produit qui a manqué au duo Ghosn-Pelata. Les délais de conception sont longs dans l’automobile et, dans un premier temps, ils ont du gérer des produits discutables planifiés par l’ancienne équipe Schweitzer-Douin, mais trois ou quatre ans après, soit en 2008-2009, on attendait du nouveau Renault qu’il sauvegarde la tradition d’innovation dans les gênes de la marque depuis sa résurrection en 1945 et c’est le contraire qui s’est passé: adoptant une stratégie de gestionnite sans imagination ,court-termiste et sans avenir, polarisée par le cours de l’action et la création éphémère de valeur pour l’actionnaire, on s’est appliqué à économiser sur les frais de R&D et les investissements projets, pour se réfugier dans la dégénérescente tactique du « Badging » qui consiste à essayer de vendre sous la marque et l’espérance Renault des produits empruntés aux partenaires de l’Alliance, comme Koleos et Latitude.
Reste bien sûr le PARI de la voiture électrique que M. Ghosn se fait fort de gagner…Mais, là encore, au niveau du produit, c’est une intense déception: Zoé qui sortira en 2012 sera la première auto européenne spécifique électrique; on aurait souhaité quelle apparaisse d’emblée révolutionnaire dans sa forme, ses proportions, genre la Twingo en 1992...Or elle se présente comme une bonne petite bourgeoise thermique classique, même si son design est plutôt agréable à regarder…Ce n’est sûrement pas ce qu’attendent les quelques futurs clients enthousiastes de leur choix écolo qui souhaitent afficher leur différence. C’était pourtant l’occasion unique de remettre en cause l’architecture classique des autos, libérées des contraintes lourdes du thermique que sont, par exemple: échappement, refroidissement, filtre à air, carter d’huile etc.
Bon courage au futur D.G.!
L’intervention de l’Etat risque fort, une fois de plus, d’être celle de l’éléphant dans le magasin de porcelaine à l’instar de ce qui s’était passé lors du rapprochement avec Volvo ou dans la foulée avec Mitsubishi !
Le 25/05/2011