Le Roi est nu !
« Le Roi est nu ! »
En ce mois de juillet, les petits enfants et le jardin m’ont accaparé!
Pas au point de me désintéresser de l’actualité automobile mais suffisamment pour que je ne trouve plus le temps de la commenter sur ce blog, au risque de décevoir mes visiteurs de plus en plus nombreux…
Que retenir de toutes ces nouvelles?
-- Les ambitions de Nissan, qui vise une pénétration mondiale de 8% à l’horizon 2016, terme de son « Plan Power 88 »; 8 comme la pénétration, et 8 comme le taux de marge opérationnelle! Aujourd’hui, leur part de marché mondial est de 5,2%, c’est donc un beau challenge: Bravo! Pour y parvenir, ils comptent beaucoup sur le marché chinois, devenu leur premier marché et avec leur partenaire Dongfeng ils vont investir $ 5,3 milliards pour quasiment doubler leurs capacités industrielles locales qui passeront de 1,2 millions de véhicules, aujourd’hui à 2,3 millions en 2015. Quand j’ai quitté Renault en 1996, nous avions en Chine une petite J.V. avec un partenaire assez incertain, pour construire des minibus Trafic; c’était très modeste, mais au moins, un pied dans la porte…Nissan n’avait rien…et leur prise de contrôle en 1999 était destinée entre autres, à aider notre développement en Chine et aux US….
Il reste à souhaiter que cette expansion de Nissan ne s’accompagne pas d’une dégradation de la qualité de leurs produits comme le constate aux USA la traditionnelle enquête J.D.Power qui l’a rétrogradée juste à la moyenne. Inquiétant: cela devrait interpeller les « cost-killers » maison et surtout, leur patron!
-- La confirmation de la chute de la marque Renault en Europe dont la pénétration V.P. pour le premier semestre passe de 8,7 en 2010 à 7,9 % en 2011 . La Direction Commerciale déclare avoir manqué la vente d’environ 50.000 véhicules à cause d’approvisionnements défaillants. On reporte trop facilement sur le tsunami japonais les problèmes d’appros…Le fait que la Direction Générale ait pour objectif prioritaire le free cash flow positif a pour conséquence la chasse à tous les stocks, dans tous les domaines, et s’il se découvre des opportunités de marché favorables par rapport à des prévisions trop timorées, l’entreprise ne sait pas répondre et… ce sont les concurrents qui en profitent! Cela avait déjà été le cas au premier semestre 2009 et c’est un beau gâchis, non seulement pour Renault mais aussi pour ses concessionnaires qui vivent en permanence sur une corde raide.
Mais, au niveau mondial, les ventes Renault progressent de 5,7%! C’est dû à l’artifice qui consiste à vendre des Dacia sous le badge Renault sur des marchés en forte croissance comme le Brésil et la Russie. Y a-t-il un risque à badger Renault des véhicules Dacia? Tant que les Dacia conservent leur bon niveau de fiabilité et de satisfaction client, le risque est limité, mais c’est beaucoup plus discutable au niveau de l’image car cette manœuvre ancre davantage encore la marque Renault dans le bas de gamme. Du coup, il y a une certaine incohérence à continuer, brillamment d’ailleurs, à investir lourdement en F1 pour donner de la notoriété à la marque avec une image de haute technicité et, pratiquement, dans le même temps renoncer à toute ambition en Haut de Gamme!
Quelques chiffres officiels: sur les quatre premiers mois 2011, Renault a vendu en Europe 18900 Laguna et 5300 Espace pendant que VW vendait 88000 Passat et 15800 Sharan. Même Toyota arrivait à placer 21900 insipides Avensis…tandis que l’élégante Opel Insignia trouvait 48000 acheteurs!
Le vrai risque est là: d’une part le segment « entry cars » qui masque un peu la décrépitude de la marque sera la première cible des constructeurs chinois à court terme, d’autre part, ces nouveaux clients Renault, entrés par le bas, fidélisés par la qualité de leur produit ne trouveront plus, à moyen terme dans la gamme Renault le produit séduisant de montée en gamme qu’ils rechercheront.
On me dit que Renault ne renonce pas au Haut de Gamme: c’est encore de l’intox car le Plan 2016 prévoit bel et bien l’abandon de la plate forme D, support de véhicules de taille Laguna ou Espace: Il faut bien faire de la place à Samsung et Nissan au sein de la Sainte Alliance!!
-- Une polémique s’est développée à propos de la sécurité des voitures électriques suite à la parution de rapports de l’UTAC et de l’INERIS et des déclarations d’un chercheur réputé du CNRS, Michel Armand, spécialiste de la technologie des batteries au lithium: l’oxyde de manganèse utilisé dans la construction des batteries de la plupart des constructeurs serait dangereux et pourrait provoquer un incendie en cas d’ « emballement thermique » de l’une des nombreuses cellules constituant la batterie. Bien sûr, les constructeurs répondent que les sécurités sont en place pour éviter ces emballements, mais ces organismes de contrôle doivent avoir une certaine crédibilité, sinon, il y aurait des économies à faire et donc…il n’y a pas de fumée sans feu !
-- Coïncidence, c’est le moment qu’a choisi Renault pour annoncer le report en 2014 du projet d’industrialisation à Flins de ses batteries. A priori, il y a tellement de doute dans cette technologie, qu’il ne semble pas urgent d’y investir les 600 millions prévus, malgré l’aide du FSI et du CEA…Plus bizarre est la façon dont la chose a été commentée par Carlos Tavares lors d’une de ses premières apparitions publiques, en tant que n° 2 de Renault. Si j’ai bien compris, il aurait dit, non sans humour, « rassurez vous, nous mettrons bien une batterie électrique dans chaque véhicule produit », Que ce décalage était le fait d’un « ajustement technique » et qu’en attendant on se fournira chez Nissan-Nec ou chez LG en Corée. Mais peut-être y a-t-il d’autres raisons à ce report… Malgré les Cocoricos, Nissan est bien plus avancé que Renault sur le véhicule électrique puisque son V.E. spécifique, la Leaf, est commercialisé depuis 6 mois, alors que la Renault Zoé ne sera vendue qu’en 2012 !
Mais aux USA, les ventes ne s’emballent pas: Nissan avait claironné avoir 25000 commandes de Leaf, alors qu’à fin juin, on est à peine à 10000 livraisons…
Or Nissan a investi en Europe sur deux sites de fabrication de batteries, à Cacia au Porugal et à Sunderland en G.B. avec chacun une capacité de 50000 batteries par an. Il serait logique (et rentable pour Nissan) de saturer d’abord ces capacités avant d’en créer d’autres …en fonction de l’évolution du marché.
A cette occasion, on peut s’interroger sur la réalité des 4 milliards d’euros investis par l’Alliance dans le V.E. On constate en effet, que sur la technique de la batterie qui est le cœur stratégique du système, les recherches n’ont pas été bien loin puisqu’elles sont déjà remises en cause et même, que, vraisemblablement, on s’est contenté d’adapter une technologie disponible sur le marché, en particulier chez Nec ou LG; ce serait plus près du bricolage bon marché que de la recherche fondamentale !
Et ça nous ramène quelques mois en arrière sur l’affaire de prétendu espionnage qui aurait visé cette technologie très avancée et ces « pépites » que Renault était le seul à maitriser, que tous ses concurrents lui enviaient et la suffisance gourmande de son Président lors de sa première interview à TF1 sur l’Affaire…
Aujourd'hui, « le Roi est nu ! » et il y a bien peu de gens pour le faire remarquer et encore moins pour en tirer les conséquences. Qu’importe: « Business as usual »
Le 28 juillet 2011